Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin
Chère future enseignante, futur enseignant,
D’abord, je vous remercie à l’avance de prendre le temps de lire cette réflexion destinée aux enseignantes et aux enseignants issus de l’immigration ayant travaillé avec moi dans divers milieux scolaires francophones minoritaires étant ancrés d’abord et avant tout dans le bilinguisme français-anglais et la dynamique francophone-anglophone au cours de ma carrière en éducation d’une durée de plus de 20 ans.
À ce sujet, sachez que cette réflexion n’est pas fondée uniquement sur des expériences qui se sont passées dans une seule et unique école, ni dans une seule et unique communauté, ni dans un seul et unique conseil scolaire. Au fait, c’est une réflexion de ma part en tant que chercheuse en devenir sur l’ensemble de mes expériences à la direction d’école en rapport à mes intérêts :
- l’autoethnographie en tant que méthodologie;
- le développement de la compétence interculturelle des leaders scolaires francophones minoritaires vis-à-vis des personnes issues de l’immigration;
- le bénévolat international pour le développement, et;
- l’équité et une éducation inclusive selon une approche culturelle en milieu francophone minoritaire.
En bref, même si j’ai été une direction d’école croyant fermement à l’inclusion de la diversité de toutes et de tous, je me suis néanmoins sentie plus ou moins impuissante – dans certaines circonstances – face à des individus ou à des groupes dans certains milieux professionnels où j’ai œuvrés qui ne partageaient pas cette même vision.
En vous partageant cette lettre, mon espoir est de non seulement de sensibiliser les nouveaux profs issus de l’immigration à des situations qui peuvent subvenir et comment une direction d’école peut les vivre, mais aussi de sensibiliser les nouveaux profs issus de systèmes scolaires canadiens qu’ils peuvent jouer un rôle important en ce qui concerne l’accueil et l’accompagnement de leurs collègues et des élèves issus de l’immigration face à de tels défis.
À la Faculté d’éducation, par exemple, je vous encourage de prendre le temps de former des groupes de travail reflétant la diversité de votre cohorte et d’apprendre les uns des autres en vous posant des questions au lieu de juger de manière négative une pratique qui pourrait être différente de la vôtre. Après tout, vous avez le potentiel de servir de modèles en matière d’inclusion, autant pour les leaders d’aujourd’hui que pour ceux de demain. Dans les deux cas, je fais référence ici aux collègues, aux superviseurs, aux parents, aux élèves et aux autres intervenants et membres de la communauté. Hé, oui, c’est un défi tout à fait immense, mais surmontable … ensemble.
Enfin, comme le dit si bien le proverbe africain « seul on va plus vite, ensemble on va plus loin », mettons donc, nos attitudes, nos connaissances et nos habiletés ensemble pour ne plus voir ni entendre se répéter des pratiques d’exclusion, d’injustice et d’iniquités dans toutes nos écoles pour en faire des milieux d’apprentissage et de travail des plus bienveillants et sécuritaires pour toutes et tous.
Sincères salutations,
Une ancienne direction d’école, chercheuse en devenir
* Des informations ont été changées pour protéger l’anonymat.
VOICI MA LETTRE
Chère enseignante, cher enseignant issu(e) de la migration internationale,
Je ne te connais que depuis quelques mois, mais nous avons traversé bien des choses ensemble pendant ce court laps de temps, n’est-ce pas ?
À ce sujet, je m’excuse pour toutes les fois où je n’ai pas été capable en tant que direction d’école de t’épargner des commentaires négatifs des élèves au sujet de ton accent, de ton choix de vocabulaire, de ta prononciation de certains mots, de ta façon d’enseigner, ou de ta gestion de classe. Je m’excuse aussi de ne pas avoir été capable de trouver les paroles claires, justes ou précises pour faire comprendre à tes collègues, rassurer les parents ou convaincre les leaders du système scolaire de leurs préjugés à certains de ces sujets. Après tout, l’appropriation de l’enseignement peut prendre un certain temps, surtout quand quelqu’un a principalement été scolarisé au sein d’un tout autre système scolaire. Cela ne signifie cependant pas que ton éducation est déficitaire; au contraire, celle-ci est pleine d’autant de richesse que la mienne. Si seulement la communauté pouvait voir, entendre et ressentir cette richesse.
Je suis désolée de ne pas avoir été capable de te trouver des collègues capables de t’accompagner tout à la fois comme nouveau membre de la profession enseignante et comme une personne issue de la migration internationale n’ayant pas passé à travers le système d’éducation franco-ontarien depuis le début de ta scolarité. Ce ne sont pas mes efforts à ce sujet qui manquent. Or, sache aussi que je fais de mon mieux pour t’accompagner selon mon bagage de connaissances personnelles et professionnelles en tant que leader pédagogique d’expérience. Peu importe, je reconnais ta juste valeur en tant qu’être humain courageux ayant fait un trajet long et ardu pour t’installer au Canada et pour te former professionnellement à nouveau, voire de refaire ta vie au complet.
Pour ma part, je ne pense pas avoir moi-même le courage de faire ce que tu as fait volontiers ou par obligation, soit de laisser tes proches en plus de ta culture, ta langue, ton pays et possiblement ton continent. Surtout, sache que je m’excuse que tu vives de l’exclusion dans ta nouvelle vie en tant qu’enseignante ou enseignant débutant au sein de certaines communautés de ton pays d’accueil, soit une terre où les citoyennes et les citoyens canadiens sont supposés être réputés à t’accueillir à bras ouverts. Mais, même le fait qu’il existe une pénurie grandissante d’enseignantes et d’enseignants de langue française partout au Canada, ce qui est hautement publié dans les médias, n’adoucit pas les critiques, ni les commentaires négatifs, ni les préjugés à ton égard. Ouf! Je dois donc admettre que ni l’accueil ni l’accompagnement dans le domaine de l’éducation en langue française ne se font adéquatement pour que tu puisses t’intégrer avec succès au sein d’une profession qui forme non seulement les leaders de demain, mais ceux d’aujourd’hui. Ce n’est pas moi qui le dis, mais bien la recherche.
Moi, j’ai des excuses à te présenter, et les voici.
Je m’excuse d’avoir insisté pour que tu utilises un système d’amplification de la voix pour mieux te faire comprendre davantage comme si ta prononciation était problématique au lieu de mettre en évidence avec toi et les élèves les similarités et les différences entre ces diverses prononciations pour les faire valoir en tant que richesses dans leur ensemble.
Je m’excuse de t’avoir encouragé(e) à utiliser des plus « petits mots » de vocabulaire pour te faire comprendre par les élèves alors que ton vocabulaire est si riche et peut ainsi élargir leurs horizons sans qu’elles et ils ne quittent le confort de leur propre communauté.
Je m’excuse de ne pas avoir été capable de faire valoir l’importance de la différenciation andragogique auprès des leaders du système autant que l’on mise sur l’importance de la différenciation pédagogique auprès des élèves. Ce sont les fondements de l’équité et de l’éducation inclusive de toutes et de tous, n’est-ce pas?
Je m’excuse d’avoir insisté sur l’utilisation de certaines stratégies d’enseignement, d’apprentissage et d’évaluation en tant que solutions plus rapides à un défi que tu vivais afin d’atténuer les jugements négatifs de certains parents et collègues. Tu vois, tes défis sont mes défis en tant que ta superviseure. Peu importe, nous avons fait des pas de géants pendant notre temps ensemble … même si d’autres les voient moins.
Bref, je veux te dire que tu m’offres des expériences riches en tant que leader scolaire qui mettra en évidence aux leaders du système (je l’espère) la nécessité de développer une compétence interculturelle chez tous les membres du personnel; l’objectif étant non seulement d’appuyer le personnel enseignant débutant issu de la migration internationale comme toi, mais pour préparer les parents et les élèves également à ton accueil. Toutes ces choses pour lesquelles, à un moment ou à un autre, j’ai vu que tel n’était pas le cas.
Enfin, je veux te remercier de faire de moi une meilleure personne sur cette Terre de par la richesse que tu apportes en étant de passage dans ma vie. Mille mercis chère concitoyenne, cher concitoyen du monde.
Une direction d’école d’expérience, chercheuse en devenir, qui croit que …
* Des informations ont été changées pour protéger l’anonymat.